Le Développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités (DPA-PC) élaboré par Yann Le Bossé à l’Université Laval de Québec est présenté ici, dans le cadre du MISO, par Eric Porcher qui fut de ses assistants et par Sophie Guadagnini, du laboratoire d’innovation sociale (LYS). En cinq petites capsules vidéo, tout savoir sur l’approche du DPA-PC dans le cadre du travail social. Très intéressant.
Introduction et empowerment
En Suisse, la notion d’empowerment est apparue dans le champ des pratiques sociales dans les années 80. En 1987, Julian Rappaport définit l’empowerment comme la possibilité pour les personnes de mieux contrôler leur vie et cette définition « fédératrice mais vague » a fait le buzz parmi les travailleurs sociaux. Il s’agissait plutôt d’un projet que d’un contexte rigoureux et il a servi à valider des pratiques déjà existantes plutôt que d’en susciter de nouvelles. Dans les années 90, des chercheurs canadiens ont repris le concept pour le questionner.
Ils ont défini le pouvoir d’agir en tant que notion plus circonscrite que l’empowerment. Notamment parce qu’elle exclut le recours à des grilles d’analyse psychologiques et sociologiques pour expliquer les phénomènes sociaux. Le DPA se caractérise par la critique des pratiques politiques et sociales qui peuvent conduire à des effets négatifs pour les personnes aidées. Le DPA se distingue du seul pouvoir d’influence et de domination tel qu’il est défini dans l’empowerment.
Posture professionnelle
La posture professionnelle propre au DPA-PC est d’abord d’offrir un lieu de rencontre entre le vécu de la personne, ses croyances, son parcours, ses valeurs, son métier, sa fonction, comment la personne perçoit son rôle au sein de l’institution à laquelle elle appartient et le cadre institutionnel fait de normes et d’un prescrit. Tout cela s’exerce dans un contexte professionnel donné.
La posture professionnelle nous dit beaucoup sur la façon dont on regarde la personne aidée, de notre représentation de l’aide à apporter, comment on qualifie cette personne. Le regard que je porte sur elle la ramène à la manière dont je la considère dans la relation qui va se construire. Est-elle un objet, un sujet, un partenaire?
Cadre d’analyse
Le DPA-PC est une approche et non une méthode. Elle doit agir par-rapport à une situation donnée, selon un cadre d’analyse basé sur quatre questions:
1°/ Qui veut changer quoi? Pourquoi? Pour qui? 2°/ Qu’en pensent les personnes concernées? 3°/ Qu’est-ce qui peut être tenté ici et maintenant? 4°/ Qu’est-ce qui a été tenté et quels enseignements on en tire?
Focus sur la personne accompagnée
Paul Ricoeur a dit que « la souffrance est la diminution ou la destruction de la capacité d’agir, de pouvoir faire, qui est ressentie comme une atteinte à l’intégrité ». Si je me crois incapable, je me comporte comme une personne incapable et je perds non seulement ma capacité d’agir, mais aussi de me raconter, de me reconnaître, d’être responsable de mes actes.
Il est nécessaire de recréer le mouvement pour réaliser que ce que l’on fait est important pour soi et non pas ce qui est important pour l’autre, le professionnel par exemple. Selon des études, le travail social comporte de nombreux biais dont je n’en citerai que quatre:
- L’infantilisation: le collaborateur social est l’expert et l’usager dépourvu de compétences.
- La stigmatisation: elle appréhende les personnes uniquement sous l’angle de leur difficulté (les jeunes en rupture, les victimes de violences) et ne font exister ces personnes uniquement à travers l’étiquette qu’on leur colle.
- La victimisation: c’est le fait de blâmer la personne de la difficulté qu’elle rencontre. Il s’agit d’une double peine: victime de sa situation et de la relation d’aide où elle est également mise à mal
- L’hyperdéterminisme: les professionnels à force d’être confrontés à des situations similaires ont tendance à ne plus accorder à la personne un potentiel de changement.
Processus de changement et conclusions
L’approche DPA-PC vise à un affranchissement de la personne par-rapport à sa situation. C’est à dire que l’objectif à atteindre réside dans le fait que la personne arrive à la conclusion que la situation n’est plus un problème, plutôt que de chercher à ce qu’elle s’adapte à la situation.